<< Précédent | | De l’Électeur de Droite, en habit d’ordre | | Suivant >> |
---|
Il aime l’ordre plus que la justice, et la tradition plus que la vérité. Il croit que tout allait mieux avant, même ce qu’il n’a pas connu. Il parle de mérite en oubliant ses privilèges, et de responsabilités quand il s’agit des autres. Il vante l’effort, mais hérite ; il glorifie le travail, mais n’en change jamais. Il pense que la société est un édifice fragile, qu’un graffiti peut renverser, et qu’un joggeur en short dans une rue ancienne est déjà une décadence. Il tremble à l’idée du désordre, et s’émeut d’un rond-point occupé comme d’un sacrilège. Il confond le réel avec ses souvenirs, et ses souvenirs avec ceux de ses grands-parents. Il aime la France, surtout quand elle se tait. Il redoute la nouveauté, sauf si elle rapporte. Il lit peu, mais cite Tocqueville à tout propos. Il parle du peuple, mais comme d’un enfant turbulent qu’il faut contenir. Il défend la liberté d’entreprendre, mais s’inquiète si trop d’autres s’y essaient. Il veut moins d’État, sauf quand il s’agit de réprimer. Il parle en chiffres, mais vote avec ses nerfs. Il se dit lucide, mais craint tout : l’autre, demain, l’ombre sur le mur. Il croit que la rigueur est une vertu, sauf pour les siens. Il veut des frontières, des règles, des valeurs – toutes bien rangées, comme dans son salon. Il admire ceux qui réussissent, même s’ils trichent un peu. Il hait les assistés, sauf s’ils portent son nom. Il pense que le bon sens est sa propriété, et que contester, c’est déranger la paix des gens bien. Il est de droite, non par réflexion, mais par réflexe – car il faut bien protéger quelque chose, quand on a peur de tout perdre. ![]() | ||
![]() ![]() ![]() | ||
| ||
Page 1 | ||
<< Précédent | | De l’Électeur de Droite, en habit d’ordre | | Suivant >> |
---|